dimanche 21 janvier 2018

CHASTAING 2

      Vers un nouveau mai 1968 ? Partie 2

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De nouveaux combats, de nouveaux secteurs, de nouveaux militants qui montrent qu’on peut gagner
J’ai recensé et observé plusieurs milliers de grèves ; regardons les effets de cette société bloquée sur le monde de l’entreprise…
Si l’on regarde les deux grandes luttes salariales de 2016 et 2017 contre les lois travail, en 2016 il y a eu deux grands courants de lutte, celui contre la loi El Khomry qui a occupé les militants et les milieux autour mais aussi, parallèlement, toute une série de luttes dispersées des salariés sur les revendications de salaires, emploi et conditions de travail, sans qu’il n’y ait de jonction entre ces deux mouvements. Et ce phénomène de double courant a continué en 2017 lors de la lutte contre les ordonnances même si on peut noter un certain infléchissement cette année-là.
Ainsi on a pu noter dans les journées d’action de l’automne 2017 beaucoup plus de grèvesque lors des mêmes en 2016, bien qu’il y ait eu une participation moindre aux manifestations. Beaucoup de ces grèves mêlaient plus qu’auparavant la revendication contre les ordonnances avec celles propres aux entreprises, ce qui amenait souvent les grévistes à rester dans leur entreprise  plutôt que d’aller à la manifestation. Cela recoupait d’une part la confiance des salariés dans leurs militants et en même temps la méfiance envers les directions syndicales nationales, d’autre part la  conjonction  entre ce que vont supprimer les ordonnances dans chaque entreprise et les combats qui s’y mènent déjà. En quelque sorte, des luttes préventives locales contre les ordonnances.
Deux courants parallèles de luttes donc, dont beaucoup de militants pourraient être tentés de penser que le premier (contre les ordonnances) était plus conscient que l’autre. Mais est-ce qu’on n’assisterait pas plutôt à une rupture de concordance entre le logiciel militant qui date pour certains des années 1950-1960 et d’autres des années 1970 et la situation actuelle ?
S’il y a beaucoup de luttes en général, elles n’ont pas tant lieu dans les grandes entreprises que plutôt dans les petites ne concernant que quelques salariés ou quelques dizaines. La lutte des Mac Donald’s de Villefranche de Rouergue ne concerne par exemple que 5 salariés et celle de l’Holliday Inn de Clichy qu’une dizaine.
Ces luttes, en dehors de celles contre les fermetures d’entreprises, sont menées dans le commerce, chez les facteurs, dans la grande distribution, dans des petits hôpitaux ou des services de grands, des maternités, des maisons de retraite,  des crèches, dans le nettoyage, la restauration rapide, l’hôtellerie, les cantines scolaires et chez les Atsem, chez les coursiers à vélo, les salariés ubérisés, les éboueurs ou  dans des bibliothèques, des centres sociaux-culturels, des écoles communales, des bus municipaux ou encore dans l’administration communale, chez les agents territoriaux – jardiniers, agents d’entretien… ou des contrats aidés ce qui fait que plus souvent qu’à l’habitude ces luttes sont animées par des femmes, des jeunes et des migrants.
On constate également, et c’est lié, de très nombreuses luttes dans les ex-colonies, les Dom Tom, comme en Guyane, mais aussi à Mayotte, qui bat de loin le record du nombre de grèves dans les départements pour l’année 2017, – et de succès – suivi par la Guadeloupe…  Et on retrouve encore la même combativité dans les « quartiers » avec l’émergence forte de  résistances de bien des jeunes au racisme ou aux exactions d’une police violente et raciste au travers de nombreuses associations comme « La Révolution est en marche » à Aulnay-sous-Bois.
Insistons un instant : il ne s’agit pas de dire que les secteurs traditionnels de la classe ouvrière sont morts, non, pas du tout. Mais il s’agit de regarder ce qui se passe – aujourd’hui – et concrètement comment tel ou tel secteur s’insère et pèse actuellement sur les consciences, les mouvements et les dynamiques en cours, avant que demain d’autres secteurs se mettent eux-mêmes en mouvement, et pèsent à leur tour, etc, etc.
Or, chose remarquable cette année, ces grèves des secteurs les plus exploités ont été plus visibles que les années passées.
Elles existaient déjà les années passés, on en parlait, mais elles ont été plus médiatisées en 2017, peut-être parce qu’elles étaient plus nombreuses surtout dans le commerce  et les secteurs ubérisés mais aussi plus perceptibles parce qu’elles ne collent pas avec l’image de salariés écrasés et d’un Macron triomphant.
Par défaut des directions syndicales ou des secteurs traditionnels qui ont souvent joué la carte corporatiste, elles focalisent inquiétudes, interrogations et espoirs et donc une plus grande visibilité, sans oublier bien sûr le développement des réseaux sociaux qui fait connaître ce que leur dispersion tend à dissimuler.
Comme toujours, ces luttes ont un côté ré-moralisant pour leurs participants mais aussi cette fois-ci… pour l’ensemble, tout en posant des questions.
En effet pendant longtemps les locomotives des mouvements se trouvaient dans les grandes entreprises de la métallurgie, l’automobile, les cheminots, voire plus récemment, les raffineurs, les routiers ou les dockers…  dont beaucoup espéraient qu’ils pourraient bloquer l’économie à eux seuls. Or beaucoup imaginent que les agents de nettoyage, femmes de ménage, etc… ne peuvent pas « bloquer » l’économie… Pourtant ces secteurs apportent au rapport de force.
D’abord par le message de ces métiers : en effet toutes ces professions vivent déjà pire que ce qu’annoncent les ordonnances à l’encontre de la majorité des salariés. Du fait de leurs âges, leurs conditions, leurs origines, ces salariés ont toujours vécu dans un monde où le code du travail pénétrait peu. Ils ne sont guère affolés par ce que promet Macron, c’est déjà leur sort : ils n’ont pas connu autre chose. Ils savent que leur futur sera moins bien que celui de leurs parents et voyant le combat contre les ordonnances comme celui de plus anciens qui ont encore quelque chose à perdre.
On voit des appareils militants syndicalistes anciens tenir parfois des propos corporatistes voire nationalistes. Ce n’est pas le cas dans les secteurs syndicaux plus jeunes de ces petites entreprises et services.
En effet, ces luttes dans ces petites structures où il n’y a guère d’acquis, mêlent souvent toutes les revendications, salaires, primes, jours fériés, horaires, embauches, titularisation, rythme de travail, stress, pressions, ambiance morale et harcèlement qui sont des thèmes qui débordent le travail et ouvrent sur celle  des relations humaines en général… lié à la surexploitation des salariés, à l’explosibilité de salariés jeunes et révoltés, à la proximité en âge et expérience des militants.
Ils peuvent fédérer très rapidement et de manière offensive d’autres mécontentements d’autant que s’est construit un terreau social local contestataire prêt à les accueillir.
Par ailleurs, ces métiers passaient pour des professions et des milieux qui ne se battaient pas, éclatés en de tous petites unités difficiles à organiser… Or on voit tout l’inverse : ils se battent et gagnent très fréquemment. Leurs luttes  pèsent et gagnent parce qu’elles sont longues et peuvent tenir longuement parce qu’ils sont peu nombreux ; la solidarité financière extérieure devenant très efficace, par le soutien matériel et la médiatisation.
Amplifié par la durée de leurs luttes, ce qu’on ne trouvait jusque là que dans la lutte défensive contre les licenciements,  le message de leur combat  est celui de l’offensive même si leurs revendications ne le sont pas toujours ; c’est leur détermination et d’où elle vient qui compte :  même avec un code du travail rabougri et une société déshumanisée on peut se battre et gagner.
Ils sont une réponse vivante au message politique de Macron et du Medef. Du plus sombre de ce que Macron prévoit pour tous se lève l’espoir.
Les frontières entre offensif et défensif, syndical et politique, se délitent, salaires et conditions de travail, emploi et services publics, salariés et usagers, des ponts s’établissent.

Des ponts entre l’esprit des « nouvelles » luttes et celui des luttes dans les services publics
En déshumanisant toute la fonction publique, la poste, EDF, les transports, l’école, les hôpitaux, les EHPAD, les centres de soin, la protection de l’enfance, l’aide aux handicapés, aux plus faibles, aux migrants, aux personnes en difficultés, en coupant les liens qui nous unissent à travers ces services publics ou au travers de mille associations vouées à la disparition avec la fin des contrats aidés, toute la société se prolétarise et les capitalistes poussent  certains à se réfugier dans leur bulle en détruisant leur humanité ; une destruction encore plus violente que celle des biens matériels.
Or lorsque la révolte vient de ces femmes et hommes qui n’ont rien à perdre, c’est le message d’une humanité qui se bat pour sa dignité, son humanité  qui nous est envoyé ; des femmes de ménages de couleurs, des jeunes coursiers à vélo, des agents de nettoyage, des éboueurs, des jeunes agents en contrats précaires de maisons de retraites… qui montrent l’exemple et donnent à tous une leçon de courage, de solidarité, rejoignant là l’esprit des zadistes ou de ces montagnards qui sont allés sauver des migrants en perdition en plein hiver en montagne.
Cela renforce ce qu’il peut y avoir de semblable chez ces cheminots qui se battent – jusqu’à la grève de la faim – pour sauver une gare, ces agents EDF qui  mettent en heures creuses les usagers, ces facteurs qui refusent les fermetures de bureaux de postes, ces agents hospitaliers, d’EHPAD, de maternités qui luttent contre le harcèlement institutionnel que subissent leurs patients, ces enseignants qui veulent une école capable d’ouvrir un avenir à la jeunesse, ces employés travaillant à la protection de l’enfance qui se désespèrent et luttent pour ne pas laisser à l’abandon les enfants en difficulté… Et puis ce sont encore les nombreux comités d’usagers des hôpitaux, maternités, écoles, gares, postes… C’est toute une humanité travailleuse qui revit là en s’incarnant socialement.
Dans les circonstances actuelles, des comités de défense des services publics pourraient très vite s’amplifier et prendre un caractère de « Zones A Défendre » au vu des mesures gouvernementales contre les services publics et les fonctionnaires annoncées pour 2018.
Les attaques massives tous azimuts de Macron montrent qu’on ne peut plus se battre pour soi sans savoir que c’est l’ensemble qui recule, sans le faire avec les autres, pour les autres ; on ne peut plus séparer  le combat économique du combat politique, le défensif de l’offensif.
Or, résumant cet esprit, quand on n’a rien on se bat pour tout, le défensif se mêlant à l’offensif.

Un succès des ordonnances qui en ruinant le dialogue social peut saper la base de la « paix sociale »
Dans ce contexte où la jeunesse ouvrière précarisée se bat, un autre message de leurs luttes est que Macron pourrait être pris à son propre piège.
En effet les ordonnances, en rétrécissant  règles et lois affaiblissent aussi la voie institutionnelle du « dialogue social », CHSCT, CE, délégué syndical, DP, négociations diverses par laquelle les directions syndicales canalisaient la conflictualité des salariés. Faute de ce canal, dans un climat de luttes, ces revendications pourraient bien chercher un autre chemin d’expression dont les secteurs les plus exploités nous donnent l’exemple dans la revendication et la lutte…
De quoi inquiéter les DRH qui d’ailleurs le sont et s’alarment depuis cet automne par leurs associations en se demandant publiquement si le surplus de contre-réformes de Macron est bien utile et s’il ne risque pas au contraire de provoquer un embrasement  généralisé. Selon eux cela pourrait se passer au printemps 2018 lorsque seront affichés les bénéfices des entreprises et l’inefficacité des mesures Macron.
D’autant qu’un élément marquant dans les luttes actuelles, c’est combien dans les plus petites entreprises ou les plus petits services, il y a des militants syndicalistes présents et actifs, certainement acteurs et moteurs de ces multiples résistances. Car s’il y a un effondrement des directions  syndicales, ce n’est pas le cas à la base. S’il y a plus de luttes dans ces secteurs, c’est probablement aussi, parce qu’il y a dans ces petites structures plus de militants syndicaux qu’il n’y en a jamais eu.
En effet, si on compte de moins en moins de syndiqués en France, il y a en même temps, par contre, plus de structures syndicales de base, d’équipes militantes et des militants qui sont certainement plus indépendants qu’ils ne l’ont jamais été de l’appareil.  Ces militants des petites entreprises sont assurément moins liés aux appareils politiques des grandes confédérations syndicales et au dialogue social qu’à l’idée qu’ils se font de la lutte syndicale par leurs liens plus étroits  avec les salariés eux-mêmes.
Ils sont particulièrement jeunes, plus proches des salariés dans ces petites structures, sous leur contrôle en quelque sorte, alors que  dans les grandes entreprises, par exemple de la métallurgie qui n’a pas embauché depuis longtemps, les salariés  sont vieillissants sauf chez les multiples sous-traitants où sont externalisés certains de ses anciens ateliers et où les luttes se déplacent.
Ces militants sont redoutables et un danger pour le gouvernement et le patronat mais aussi pour les directions syndicales. Au cœur de la guérilla, il y a l’idée de conquérir le cœur et l’esprit de la population, de la gagner à ses côtés, de donner motivation à lutter aux autres et construire au travers de petites luttes audacieuses et symboliques mais aussi d’une série de petites victoires, la conscience générale qu’il est possible de résister, voire de gagner. Peu nombreux dans chaque structure, dispersés et avec des luttes que les « fédérations » syndicales ne veulent pas fédérer, ils ont d’autant plus l’esprit de la « guérilla », créativité, imagination et médiatisation, plus ouverts comme génération internet à faire connaître leurs conflits, à s’adresser aux autres et à la population et plus sensibles aux autres secteurs en lutte comme dans les quartiers, les ZAD…

Une structure du capital et de l’emploi qui a changé et pousse à la précarité… et à des luttes. 
La structure du capital  en France– et de l’emploi comme de la structuration syndicale – a pas mal changé ces dernières décennies.
La sidérurgie, la métallurgie ont perdu de leur importance pendant que les services augmentaient, même si beaucoup de ces services, entretien, nettoyage, gardiennage, logistique, transports, cantines, pompiers… étaient auparavant intégrés au sein des entreprises et faisaient partie à part entière de l’industrie. Il n’y a qu’externalisation et sous-traitance ; en ce sens ces entreprises de services sont toujours aussi indispensables. Leur arrêt bloquerait tout autant la production capitaliste qu’en son temps celui des plus grandes usines.
Avec le même effet psychologique sur la structuration d’une conscience de classe.
On le voit avec la crainte des grèves de routiers comme hier celles des cheminots… mais aussi celles des éboueurs, des agents de nettoyage, des femmes de ménages des grands hôtels de luxe qui sans être autant utiles pour ces derniers à la circulation du capital rendent pour leur part les grèves « visibles », par les poubelles sur les trottoirs, le symbole des milliardaires gênés par leurs femmes de ménages…
Or les entreprises les plus importantes en France ont changé ; le groupe Mulliez AFM ( Auchan, Décathlon, LeroyMerlin, Boulanger, Norauto, Flunch, Kiabi, Kiloutou, Midas, etc… 600 000 salariés dans le monde) est devenu le premier employeur de France suivi par Carrefour (410 000 salariés/monde), lui-même loin devant PSA (182 000 salariés) ou Renault (120 000 salariés) ou même des entreprises publiques comme EDF (150 000 salariés en France), SNCF (150 000 salariés en France)… Et pour ne pas les oublier, rappelons que les salariés de Mc Donald’s sous enseigne sont 70 000 en France et Burger King les talonne de près.
Dans un esprit contestataire, les salariés et syndicalistes de Carrefour ont fait en ce Noël 2017 ce qu’aucun syndicat n’avait osé jusque là. Ils n’ont pas respecté la trêve des confiseurs ; ce qui fait partie de la guerre psychologique. Ils ont fait grève les 22 et 23 décembre 2017 alors que la CGT et Sud commerce avaient déjà appelé à une grève le 20 décembre, au plein milieu du boum annuel des ventes des grands commerces.
Par ailleurs, la plupart des grandes enseignes ont décidé de réduire leurs effectifs. Carrefour devrait annoncer le 23 janvier 2018 de 5 à 10 000 suppressions d’emplois, Auchan en prévoit 2 000, Intermarché plusieurs centaines. S’y ajoutent  Simply Market, Monoprix, Conforama, Brico Dépôt et d’autres enseignes du commerce moins importantes ou connues comme par exemple Pimkie.
Il est certain que  la visibilité et le poids  des luttes du commerce vont grandir et déplacer encore le cœur de la lutte de classe, de ses méthodes et objectifs.

Parallèlement, on assiste à une évolution du caractère des licenciements.  
Réservés jusque là au privé, ils s’étendent maintenant au public où on assiste, comme vu plus haut, à un autre type de lutte contre les licenciements.
Chose encore plus extraordinaire, on voit dans certaines des entreprises privées qui licencient, un état d’esprit convergeant avec celui qui anime les luttes dans le service public.
En effet, bien des salariés se sont en effet aperçus que beaucoup d’entreprises – en particulier les grands groupes – licenciaient ou fermaient non pas parce qu’ils avaient des difficultés, mais tout simplement pour faire encore plus de profits. Ce sentiment existait déjà hier bien sûr, mais pas au point où l’on aurait vu des salariés, comme aujourd’hui, exiger des primes de départ plus élevées avec l’argument que les bénéfices de l’entreprise n’ont jamais été aussi hauts, que les dividendes des actionnaires ne cessent de croître et que les dirigeants s’en mettent plein les poches en primes de toutes sortes. Un sentiment que les ordonnances vont encore amplifier puisqu’il est désormais autorisé de licencier tout en faisant des bénéfices.
Ainsi hier, des militants cherchaient à argumenter pour sauver leur emploi que l’entreprise était viable, rentable, qu’une meilleure gestion pourrait sauver l’entreprise, qu’ils étaient en quelque sorte exploitables. Aujourd’hui, ce n’est plus utile, les entreprises rentables licencient ; c’est le système entier qui les licencie et ce n’est pas seulement son patron qu’il faudrait licencier mais tous.
De là à le faire, ce n’est évidemment pas encore le cas. Mais on voit bien face aux plus de 600 plans sociaux que j’ai pu mesurer et aux 500 luttes qui y ont fait face, qu’une politique pour leur coordination peut être mieux comprise. Est-ce que la lutte contre les licenciements dans la grande distribution va marquer une nouvelle étape ? On le saura d’ici peu. Macron en tentant de généraliser la précarité de ces professions pourrait bien donner du poids aux luttes et à l’esprit qui s’y développent.

La convergence des luttes se pose autrement
Ainsi l’idée de « convergence » se déplace : on agit local mais on pense national voire international.
Il s’agit moins de proposer l’extension d’une lutte d’une entreprise particulière à d’autres comme cela pouvait être envisagé hier, mais plus d’exprimer quelle est la situation générale, de combiner les deux en se saisissant d’opportunités à caractère national. Il est difficile d’étendre une grève d’une entreprise à une autre parce que les salariés essaient de sauver ce qui est possible sans croire aux possibilités générales ; par contre il est plus facile de faire comprendre que  la coordination de ces luttes sociales émiettées est nécessaire.
C’est donc au niveau général, au niveau « politique » que l’idée de « convergence »  a le plus d’efficacité. Les salariés ont parfaitement compris la dimension générale des attaques, donc l’ampleur de la tâche et ils ne vont pas s’y engager seuls, depuis leur service, bureau, entreprise. Par contre il est plus évident de participer à la construction du Front Social et à la capacité qu’il peut avoir à saisir les occasions nationales ou internationales pour bâtir la convergence.

Pour unifier les luttes, il faut les connaître
La majorité des salariés et des grévistes ne voulaient pas, jusqu’en 2016, rompre avec les directions syndicales, ne s’en sentant pas capables, mais tentaient seulement – sans guère d’illusions – de les pousser plus loin.
On était donc encore loin d’un débordement politique des syndicats par la base et donc de la possibilité de coordinations qui incarneraient cette rupture.  En 2017, changement notable, les militants ont cessé de vouloir pousser plus loin leurs directions ; sans rompre encore avec elles, ils les contournent. Dans cette conjoncture où beaucoup ont compris que les questions ne peuvent se résoudre qu’à une grande échelle , les salariés ne construisent pas tant des coordinations à partir de leurs luttes que le Front Social, qui prend alors la forme actuelle du processus de construction de la coordination.
Les tensions autour du 10 octobre 2017 avec des appels à un « tous ensemble » de 33 UD de la CGT et de beaucoup de structures de FO, les ruptures entre la base et le sommet à FO et même dans une moindre mesure à la CFDT et la CFTC expriment l’esprit critique de bien des militants.
Autrement dit, il est aussi l’heure de construire des outils d’information et de réflexion sur la situation pour tous ceux qui cherchent une boussole et d’autres voies de « fédération » des luttes.
Le recensement des luttes et leur description est un élément de base pour cette réflexion.
L’invisibilité actuelle des grèves tient d’abord foncièrement à l’invisibilité des travailleurs, au mépris social à leur égard et aux plus exploités d’entre eux. Le recensement des luttes, c’est d’abord un combat pour la fierté ouvrière contre ceux qui disent que nous sommes des « rien ».
L’émiettement des luttes est dû fondamentalement à la tendance générale qui éclate les grandes structures industrielles. Elle est aussi due à l’absence de politique des organisations ouvrières mais elle l’est encore du fait que les organisations ouvrières laissent parler les chiffres du gouvernement, ne contestent pas son « hégémonie » idéologique. L’organisme chargé de dénombrer les grèves en France, la Dares, mesure  la conflictualité en demandant aux patrons eux-mêmes de compter les grèves dans leur entreprise ! Autant demander à un dictateur s’il y a de la torture dans son pays.
Ces pseudo statistiques sont de la propagande politique. Cela pèse sur la conscience qu’ont les grévistes et les militants de ce qu’ils font, de ce qu’il est possible de faire et plus généralement des rapports de force et leurs évolutions.
Ce recensement, cet état des lieux, est la base de tout. A l’heure où des milliers de militants cherchent d’autres voies, redonner confiance aux salariés eux-mêmes, valoriser ce qu’ils font, rien de tel pour unifier, reconstruire une « hégémonie » idéologique face à Macron quand il parle de « fainéants », de « fouteurs de bordels »… et face aux directions ouvrières, politiques  et syndicales qui se justifient  en martelant que tout est la faute aux salariés qui ne se battraient pas.
Ainsi une publication ouvrière qui ferait état chaque jour de ces luttes, de leurs variétés, des zad à l’industrie, de leur nature, de leurs causes, leurs moteurs, leurs revendications, leurs cheminements, leurs difficultés, leurs avancées ou succès et surtout où et en quoi elles convergent, serait un élément de la construction de convergences.  Et cela additionné  d’un éditorial qui unifie des sentiments de classe, autour de l’actualité politique, contribuant à faire de sentiments collectifs une pensée collective.
Jusqu’à présent, il n’y a eu que Info Com CGT puis le Front Social pour prendre l’initiative de tels recensements des luttes au travers de la page facebook Luttes Invisibles. En quelques mois, cette modeste page a récolté plus de 40 000 « like », le même niveau que celui de la page facebook de la confédération CGT.
On imagine quel outil formidable cela pourrait devenir  si ce travail était pris en charge par plus de militants. Rien qu’aujourd’hui, avec les pages Front Social et Luttes Invisibles, il y a de 40 à 70 contributions par semaine de correspondants décrivant des initiatives, des grèves ou des luttes.
Il ne serait pas difficile de multiplier leur portée pour en faire un embryon de journal des luttes ouvrant à échanges et rencontres, un élément organisateur d’un nouvel esprit.
Le Front Social qui a lié syndicalistes anciens et jeunes militants ouvriers et regroupé autour d’eux militants politiques radicaux, jeunes de quartier, associations et fronts de luttes anti-racistes ou contre la répression, zadistes, féministes ou anti-colonialistes, a été l’événement politique et social de l’année 2017 parce qu’il a résumé et concentré les particularités et les dynamismes de l’actualité tout comme la forme actuelle que prend le besoin de convergences par le recensement de la réalité des luttes.

La société est bloquée par en haut, elle va exploser par en  bas : préparons le prochain mai 68
Derrière le one man show « Moi-Macron-Je-Suis-Partout », le gouvernement finalise et aggrave tous les sales projets de ses prédécesseurs : destruction du code du travail, rejet de l’immigration, inculpation de la solidarité avec les migrants, sanctions contre les chômeurs, recul de l’emploi, salaires en berne, naufrage du pouvoir d’achat, sélection à l’université, destruction des services publics, de la Sécurité Sociale…
Ayant confisqué la parole, des élections qui n’en sont pas vraiment, des journaux aux ordres, des instituts de sondage achetés, des partis politiques d’opposition absents, un dialogue social institutionnalisé décapité, les travailleurs sont traités de « fainéants », de « rien ».
Le scandale est partout : Murielle Pénicaud, ministre du Travail, 10 000 euros par mois, vient de gagner 62 000 euros par an grâce à la fin de l’impôt sur la fortune, le non-lieu est prononcé contre Remi Fraisse tué par un gendarme, le lait pour bébé pollué succède à celui sur des médicaments-poison, qui lui-même précédait l’affaire des Apple à obsolescence programmée
Quand la loi XXL suivant la loi El Khomri détruit les DP, CE et CHSCT comme si de rien n’était, presque tout le syndicalisme de sommet continue de faire semblant de négocier : recul de l’indemnisation des chômeurs, passage de la formation professionnelle aux mains du patronat, transformation du Code civil au service des propriétaires des entreprises, etc.
Tout est cadenassé en haut.
Mais en bas, la société craque de toutes parts… les luttes ne cessent pas…  Salariés et démocrates indignés, jeunes des quartiers, écologistes de base, se défendent bec et ongle. Localement oui, de manière dispersée sans doute, mais ils et elles se battent.
De Notre Dame-des-Landes à la vallée de la Roya, d’Adama à Théo, de la grève générale en Guyane aux combats des Deliveroo, des agents de nettoyage aux femmes de ménage en passant par les facteurs, les salariés du commerce, les agents hospitaliers ou des maisons de retraite, de la défense des maternités aux gares, les matériaux pour l’explosion sociale s’accumulent. Le Front Social les réunit.
Sommes-nous si loin que ça des soulèvements en Iran et en Tunisie ? Contre la hausse des prix, les politiques libérales d’austérité et la répression, en Iran comme en Tunisie, les mouvements donnent le ton et annoncent des explosions qui mûrissent…
Comme avant 68, tout est bloqué ; les instruments du dialogue social sont détruits ; comme de Gaulle, Macron politise la société en cristallisant tout sur lui ; les luttes ouvrières ne cessent pas malgré les reculs en particulier chez les plus exploités et opprimés, dans la jeunesse ouvrière, les femmes et les migrants ; des passerelles se créent entre différents secteurs en luttes notamment au travers du Front Social qui cristallise cet air du temps militant à refaire mai 68.

La situation le rend possible, construisons-le. Faisons de 2018 l’année de la riposte.
La victoire de Notre Dame Des Landes est la preuve qu’on peut gagner.



Local à céder sur la ZAD, faire proposition de prix à Edouard Philippe. Promoteurs peu sérieux s'abstenir!....
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